L’oubli peut-il aider à réparer? La sphère judiciaire est-elle l’endroit propice à la réparation des victimes? L’avocate pénaliste Marie Dosé pose ces questions dans son essai « Eloge de la Prescription » (L’Observatoire, 2021) qui insiste sur l’importance de l’oubli dans un Etat de droit.
La Grande Table Idées – Présenté par Olivia Gesbert sur France Culture le 30 septembre 2021
Avocate pénaliste au barreau de Paris, Marie Dosé s’est fait un nom dans des affaires médiatisées comme l’attentat de Karachi, la mort du ministre Robert Boulin et les attentats du 15 janvier 2015. Dénonçant le « populisme pénal », la tentation du « tout-sécuritaire », du « tout-carcéral », elle a récemment critiqué le projet de loi « confiance dans l’institution judiciaire » porté par Eric Dupont-Moretti et qui visait à filmer les procès jugeant que cela portait atteinte au droit à l’oubli.
Dans son nouvel essai, Eloge de la prescription (L’Observatoire, 2021), Marie Dosé revient sur l’importance du droit à l’oubli dans la justice. Tout en rappelant que l’oubli judiciaire d’un crime ou d’un délit ne veut pas forcément dire nier et oublier ces crimes, Marie Dosé rectifie une vision qu’elle juge erronée du procès pour nuancer l’hostilité de certains contre l’oubli et la prescription.
« Il faut qu’on comprenne très tôt et très vite ce que peut et ne peut pas la justice. » (Marie Dosé)
Dans ce qu’elle juge être devenu une « dictature de l’émotion », Marie Dosé craint la disparition inéluctable et progressive de la prescription à cause d’un glissement de l’autorité des tribunaux vers l’autorité du « tribunal de l’opinion public » où un « mythe victimaire » serait de plus en plus prégnant.
« On est plus facilement dans l’émotion que dans la raison et quelque part la prescription est comme la présomption d’innocence : elle est contre nature. » (Marie Dosé)
« Ce que je dénonce c’est l’excès, c’est un discours ou une idéologie qui revient à une escroquerie et qui dit qu’il faut réformer parce que les crimes subis par Vanessa Springora sont prescrits, ca c’est une escroquerie. » (Marie Dosé)
Alors que, comme Marie Dosé le rappelle,
« On confond deux choses : la prescription et la non-rétroactivité de la loi pénale. » (Marie Dosé)
Marie Dosé défend la prescription et rappelle son importance fondamentale pour éviter la poursuite éternelle d’infracteurs qu’il devient difficile, voire impossible, à réinsérer.
« Il faut délester le procès de la réparation. Le procès n’a pas de valeur thérapeutique ou cathartique, même s’il y a des audiences exceptionnelles. […] Il y a d’autres moyens de libération de parole. » (Marie Dosé)