Affaire Karachi : Nouvelles révélations – Le 7/9 – France Inter – 13/11/2015

Nouvelles révélations sur l’attentat de KarachiLe 7/9 de Patrick Cohen
Diffusé sur France Inter le 13 novembre 2015

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« L’homme de l’ombre » de l’affaire Karachi était bien dans le radar des services secrets français. C’est une information France Inter/Le Monde. Des documents récemment déclassifiés permettent d’en savoir un peu plus sur le possible commanditaire de l’attentat de Karachi (11 français employés de la Direction des constructions navales, tués au Pakistan, le 8 mai 2002), le saoudien Ali Ben Moussalem. Officiellement, les services secrets français n’ont jamais travaillé sur cet « homme de l’ombre » de l’affaire Karachi. Or, pour la première fois, un ancien membre de la DST (Direction de la surveillance du territoire) reconnait avoir enquêté sur ce Ben Moussalem avant la présidentielle de 1995.

Ali Ben Moussalem est un peu « le fantôme de l’affaire Karachi ». Mort en 2004, en Suisse, ce sulfureux intermédiaire saoudien se trouve au cœur de « l’argent noir » des gros contrats d’armements conclus par les balladuriens avant la présidentielle de 95. La vente de sous-marins au Pakistan et de frégates à l’Arabie Saoudite. Après la victoire de Jacques Chirac en 95, une partie de « l’argent noir » de ces contrats est réorienté, échappe à Ben Moussalem, qui aurait pu vouloir se venger.

Officiellement, les services secrets français n’ont jamais enquêté sur Ben Moussalem

Pourtant, au moment de l’attentat de Karachi, Ben Moussalem finance des mouvements djihadistes. Or, pour la première fois, un ancien membre de la DST (Direction de la surveillance du territoire) reconnait que les « services »  ont bien enquêté sur Ben Mussalem, suite aux informations données par l’une de leurs sources, un certain Gérard Willing, qui, lui aussi, a été entendu dans la procédure judiciaire.

Le témoignage écrit de cet ex-agent, dont le nom de code est « Verger », a été entièrement déclassifié, après le feu vert du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. L’homme confirme également que la DST suivait à la trace les rencontres entre Ben Mussalem et les balladuriens, dans une boutique, en plein Paris.

Lire un extrait du témoignage de l’agent « Verger » en poste à la DST de 1969 à 2002 :

« En 1994-1995, je me suis intéressé aux activités de Cheikh Ali Ben Moussalem et de son bras droit Ziad Takieddine. Gérard Willing m’avait indiqué que la boutique Arije était une plaque tournante de trafic en tout genre et d’armes en particulier. La DST a placé cette boutique sous surveillance. A notre grande surprise, sa campagne électorale étant lancée, nous avons observé que des membres du Parti républicain de F. Léotard se rendaient dans l’immeuble abritant Arije. Selon G. Willing, Arije bénéficiait d’un réseau de prostituées qui recevaient leurs clients dans des studios munis de caméras et de magnétophones. P. Donnedieu de Vabres aurait rencontré Cheickh Ali Ben Moussalem à l’hôtel prince de Galles. Ce dernier lui aurait remis deux valises, pleines, selon G. Willing, d’argent. P. Donnedieu de Vabres aurait alors remercié Ben Moussalem en lui disant : « Merci pour la France, on vous le rendra »

Pour l’avocate de victimes de l’attentat de Karachi, Marie Dosé, ce témoignage est la preuve que des documents concernant Ben Mussalem ont été détruits…

« Non seulement les « services » ont travaillé sur Ben Mussalem, en effectuant des surveillances techniques, mais ils ont également découvert un lien entre Ben Moussalem et certains membres du Parti républicain qui travaillaient pour la campagne d’Edouard Balladur. Ce genre de surveillance donne toujours lieu à un document classifié. Les « services » nous ont menti en nous disant qu’ils n’avaient jamais travaillé sur Ben Moussalem. Quand on demande la déclassification des informations écrites sur Ben Moussalem, ils nous répondent qu’il n’y a pas de documents. Mais ce n’est pas parce que les services n’ont jamais travaillé sur Ben Moussalem, c’est parce que ces documents ont probablement été détruits après l’élection de Jacques Chirac, en 95 ! »

En revanche, tous les responsables des services de renseignement qui témoignent dans le volet terroriste de l’affaire Karachi, instruit jusqu’ici par le juge Marc Trévidic, disent n’avoir aucune information particulière sur Ben Moussalem.

Il s’agit de Raymond Nart (membre de la DST de 1964 à 1997), de Jean-Jacques Pascal (directeur de la DST de 1997 à 2002) et de Eric Bellemin-Comte (affecté à la DST en octobre 2001, aujourd’hui conseiller auprès du Coordinateur pour le renseignement à l’Elysée).